
Paris vu par le cinéma

"Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain" de J-P. Jeunet
France, 2001, 2h00, couleur, avec Audrey Tautou, Matthieu Kassovitz...
"La Valse d'Amélie" de Yann Tiersen, musique du film "Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain".
Synopsis
Amélie, une jeune serveuse dans un bar de Montmartre, passe son temps à observer les gens et à laisser son imagination divaguer. Elle s'est fixé un but : faire le bien de ceux qui l'entourent. Elle invente alors des stratagèmes pour intervenir incognito dans leur existence.
Le chemin d'Amélie est jalonné de rencontres : Georgette, la buraliste hypocondriaque ; Lucien, le commis d'épicerie ; Madeleine Wallace, la concierge portée sur le porto et les chiens empaillés ; Raymond Dufayel alias "l'homme de verre", son voisin qui ne vit qu'à travers une reproduction d'un tableau de Renoir.
Cette quête du bonheur amène Amélie à faire la connaissance de Nino Quincampoix, un étrange "prince charmant". Celui-ci partage son temps entre un train fantôme et un sex-shop, et cherche à identifier un inconnu dont la photo réapparaît sans cesse dans plusieurs cabines de Photomaton. (Allociné.fr)

C'est ici que travaille Amélie. / (zoom-cinema.fr)

Amélie y vient souvent ricocher. / (toutleciné.com)

(toutleciné.com)

C'est ici que travaille Amélie. / (zoom-cinema.fr)
Analyse d'un extrait vidéo
Nous sommes dans la première moitié du film. Amélie est traversée d'un "élan d'amour comme un désir d'aider l'humanité entière". Elle rend dans cette scène la vue à un aveugle en lui faisant imaginer ce qu'il ne peut pas voir grâce aux sensations olfactives et sonores...
Cet extrait est l'un des plus significatifs du style et de l'esthétique du Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Les références au monde de l'enfance sont partout présentes : la veuve du tambour de la fanfare, les sucettes Pierrot-Gourmand, les glaces aux calissons, le bébé regardant le chien qui regarde les poulets rôtis... Les couleurs jaunes, vertes et rouges constituent la palette de couleurs dominante et l'accordéon de Yann Tiersen accompagne toute la scène. Le spectateur est alors plongé dans une sorte de grand tourbillon, dans un jeu à l'imagination délirante, dans un bain de jouvence d'optimisme...
"Amélie des Abbesses"
C’est ainsi que Jean-Pierre Jeunet voulait premièrement appeler son film (il a renoncé car il considérait que la Place des Abbesses n’était connue que des parisiens). Le personnage d’Amélie était alors donc assimilé à un lieu, délimité dans l’espace : Montmartre. Car Amélie sans Montmartre ce serait comme Pagnol sans la Provence, ce sont deux éléments indissociables l’un de l’autre, se répondant et se complétant. Oui, c’est bien ce que Montmartre, et plus largement Paris, devient devant la caméra de Jeunet, un personnage, témoin des amours de Nino et d’Amélie. Ce Montmartre là, bohème, idyllique, il y fait toujours beau, les conflits n’y existent que peu et les voisins se connaissent entre eux, comme dans un village. Jeunet joue donc avec tous ces stéréotypes, comme sortis d’une carte postale, en ajoutant un filtre à ses images, réchauffant les couleurs rouge, jaune et verte. Montmartre en devient un lieu féerique où le surnaturel peut exister, un grand terrain de jeu, une scène de théâtre où les souffleurs de rues sont là pour donner la réplique aux personnages. Yann Tiersen et son accordéon ajoutent à la poésie du film en lui apportant folklore et un certain "romantisme de bistrot".
Le spectateur suit également Amélie dans des lieux typiques de l’imagerie parisienne et baignés d’influences au monde de l'enfance : le Canal Saint-Martin, la Foire du Trône, les gares, le métro,…
A sa sortie en salle en France, le succès est immense. L’année suivante, il recevra 4 Césars, celui du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure musique et des meilleurs décors. Mais il est intéressant de noter que ce film est l’un des plus grands succès du cinéma français à l’étranger avec pas moins de 6 millions d’entrées aux USA et 5 millions en Allemagne. Ce succès peut s’expliquer notamment par la poétisation de la vie quotidienne, d’une idéalisation de Paris et de la France et de la présence de références à l’enfance. Néanmoins certains dénonceront dans le film l’absence d’insécurité, d’immigrés, d’homosexuels et le qualifieront de film publicitaire et irréaliste. Serge Kaganski, critique des Inrockuptibles ira même jusqu’à dire que « si le démagogue de La Trinité-sur-Mer (entendez Jean-Marie Le Pen) cherchait un clip pour illustrer ses discours, promouvoir sa vision du peuple et son idée de la France, il me semble qu'Amélie Poulain serait le candidat idéal. » Bref, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain reste tout de même pour beaucoup l’un des plus beaux films français – sinon sur la capitale – qui fait rêver et voyager dans un Paris du passé, qui n’a sans doute d’ailleurs jamais existé que dans nos rêves…